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On en mangerait! - Bonsai Club Iris

cepae rayé

Cepaea rayé, le plus courant… si on ose dire 😉

Enfant déjà, j’adorais laisser se couler sur mes mains leur fraîcheur lisse et silencieuse. Lorsqu’arrivés au bout de ma paume ils menaçaient de tomber au sol, je tournais la main. Puis la retournait encore, et encore. Jusqu’à ce que le jeu prenne fin. Je les recollais alors sur une feuille de troène.

Je n’ai jamais pu en manger un, alors que ma sympathie pour leurs cousins gris à des limites aux odeurs de persil, d’ail et de beurre fondu.

Si j’expulse illico le moindre escargot commun de mes étagères à bonsaï, j’y ai tout aussi régulièrement laissé vagabonder de tronc en branche les compagnons de mes jeux enfantins, les escargots des bois. Mais depuis ce printemps, peut-être vais-je changer d’avis ?

Voici toute l’aventure en quelques mots.

Après deux années consacrées à la croissance libre, je devais sélectionner les branches de  quelques Acer palmatum.  Les pinces concaves et sphériques remplirent leur ministère avec netteté. Mastiquer les plaies est un plaisir tactile, tout en fluidité… Enfin pour celui qui  connaît la manière de faire adhérer la pâte au tronc, sans qu’elle colle aux doigts. Faute de quoi, vous voilà condamné à un énervant remake de la fameuse scène du sparadrap du Capitaine Haddock.

Le printemps sec commandait un arrosage quotidien, les arbres débourraient lentement. Puis vint la pluie : belge, régulière, obstinée, inépuisable.  J’ai appris à apprécier ces longues averses monotones qui me dispensent d’arroser. Enfin, cette année, quand même Saint Médard a exagéré !

Au dixième jour, je me livre à un rapide contrôle. Surprise, sur tous les érables, le mastic a diminué de volume, au point que certains bords de coupe sont exposés à l’air.

Bizarre, personne n’a signalé d’OVNI au-dessus de Bruxelles et aucun Men In Black ne rode dans ma rue. J’exclus donc l’hypothèse d’extraterrestres masticophages.

J’ai utilisé le traditionnel mastic japonais et, le pot vide, j’ai poursuivi avec un produit made in France aux effluves de lavande. Les deux onguents ont été érodés pareils.

Ma loupe de botaniste grossit dix fois d’étranges structures triangulaires présentes sur les bouchons de mastic.

Triangulaires ?

Je n’ai encore jamais vu ces incisions ! Mon regard parcourt les rameaux. Je suis dans comme l’oiseau dans l’arbre. Gagné !  J’en surprends un en pleine digestion camouflé dans le feuillage d’un cultivar Orange Dream.

Ma mémoire me renvoie une vieille photo noir et blanc du manuel de biologie… La radula.

Les formes triangulaires sont les marques des dents de la radula, la redoutable langue des escargots. Car,  incroyable, mais vrai, les escargots des bois(1) mangent le mastic cicatrisant et laissent dans la matière malléable l’empreinte de leurs langues.

Profitant de leur sieste, j’ai promptement intercepté tous ceux que j’ai trouvés. Direction un bocal à large col nanti d’un couvercle troué. Le lendemain, en partant au bureau, je les ai libérés dans les sous-bois du parc, loin des odieux granulés bleus. Qu’ils se débrouillent avec les grives et les hérissons, grands amateurs de gastéropodes bien juteux.

Quant aux érables, j’en ai été quitte pour remettre un peu de mastic cicatrisant.

Les petits gastéropodes sont-ils attirés par les effluves diffusés par la pâte ? Ou bien apprécient-ils la charge de craie qui donne probablement consistance au produit ? Une provende hautement dosée en carbonate de calcium qui les aide à sécréter leurs élégantes coquilles.

J’ai par le passé pu observer des « petits gris » à Boitsfort.  Ils avaient élu domicile dans une vieille serre à raisins. Fort heureux de croquer des feuilles de vigne et profitant de la chaleur moite, certains d’entre eux avaient érodé complètement le mastic de vitrier des carreaux brisés. Une substance faite d’huile de lin et de craie.

A l’instar des oursins qui passent la journée dans un creux de la roche qu’ils ont creusée, les petits gris dormaient dans des niches à la taille de leurs coquilles. Preuve qu’ils avaient creusé – à la force de la radula – ces abris sur mesure. Ils faisaient coup double, se ménageant un appart tout en renforçant leur coquille.

Les escargots rongent donc les substrats contenant du calcaire. Étonnant non ?

En pratique, il vous suffit de surveiller vos bonsaï après un arrosage en fin de journée pour repérer les escargots des bois. Les capturer n’a rien d’un exploit sportif. Même s’ils sont plus rapides et plus souples que leurs cousins gris. Si votre collection est bordée d’une charmille, ils y seront heureux. Et d’ici à ce qu’ils reviennent sur vos étagères… à pied, vos arbres ne risquent pas de subir de dégâts irrémédiables.

Surtout, si vous voulez rester en bon terme avec moi, ne me parlez pas de « granulés bleus ».

LH

1 – Les escargots de bois appartiennent à trois espèces de gastéropodes : Cepaea hortensis, C. nemoralis et C. sylvatica. Leurs coquilles présentent une coloration de base qui va du jaune au rose tirant rarement sur le carmin. Les individus jaunes portent une ou plusieurs marques spiralées de couleur brune ou noire. Ils sont moins voraces que leurs cousins du genre Helix, comme H. aspersa, le petit gris qui après avoir dévoré nos laitues finit parfois cuit à l’ail et au beurre dans votre assiette.